« La culture pour tous et avec tous » : c’est ainsi que la municipalité présente sa politique culturelle dans le dernier Villeneuve Mag.
Mais sur le terrain, ce n’est pas tout à fait ce que les gens observent.
Alors regardons de plus près comment a évolué l’action culturelle à Villeneuve lez Avignon au cours de ces dernières années.
Des événements publics… de plus en plus sur invitation
De plus en plus de rendez-vous culturels ou commémoratifs se tiennent à huis clos ou sur carton d’invitation.
La cérémonie du 18 juin, autrefois ouverte à tous au monument aux morts, a été déplacée à la Chartreuse et réservée à quelques invités. Plus de dépôt de gerbe public, plus de moment partagé sur la place : pourquoi cette mise à distance ?
Le lancement des festivités d’été s’est, quant à lui, tenu au Prieuré, là encore sur invitation. Un endroit magnifique pour une belle promotion du lieu mais bien trop fermé pour le partage « d’une culture pour tous et avec tous ».
Un constat similaire pour l’ouverture du festival Villeneuve en Scène : un événement censé rassembler, mais organisé à un horaire inaccessible à de nombreux actifs et dans un lieu peu ouvert limitant un peu plus le « pour tous et avec tous »
Des associations qui tournent en cercle fermé
De nombreuses structures culturelles, commerçantes ou patrimoniales semblent fonctionner autour de cercles d’habitués, rarement renouvelés. Les ateliers artistiques, les conférences ou les réunions de quartier réunissent souvent les mêmes visages. Ce manque de renouvellement peut s’expliquer en partie quand il est aujourd’hui difficile de susciter un engagement associatif durable dans la société civile, et quand nombre de collectifs peinent à attirer de nouvelles énergies. Mais cette réalité ne saurait tout justifier.
On observe une confusion croissante entre le monde associatif et le pouvoir politique : les interventions régulières de la maire en ouverture d’assemblées générales ou d’événements entretiennent une ambiguïté sur les rôles respectifs, d’autant que se dessine en filigrane une forme de réappropriation institutionnelle des initiatives citoyennes. Par ailleurs, de plus en plus d’élus de la majorité siègent au sein des conseils d’administration associatifs. Pour quel objectif, exactement ?
Cette évolution pose question car peu à peu cette porosité fragilise l’indépendance du tissu associatif, décourage les initiatives autonomes et alimente le sentiment que seuls les proches du pouvoir en place peuvent véritablement agir. De plus en plus on l’entend dire quand ce glissement se lit aussi dans les chiffres puisque ces dernières années, les subventions générales ont diminué au profit de subventions dites « exceptionnelles », accordées ponctuellement pour des actions devant, au préalable, obtenir l’aval politique. « Pour tous et avec tous » ? Là aussi, nous en sommes loin.
Culture “pour tous” ? Un accès inégal
La récente hausse des tarifs de la médiathèque limite son accès aux familles les plus modestes. Le « Pass monument », louable dans son principe, reste peu connu et peu utilisé par les Villeneuvois : pourquoi ne pas en faire un outil d’accès gratuit à la culture locale pour les habitants, comme le font d’autres villes de même taille sans pour autant mettre le budget de la ville en faillite. « Pour tous et avec tous ! »
L’expression municipale, elle, met surtout en avant un petit cercle : élus, notables, responsables d’associations proches. Les jeunes, les familles ordinaires, les nouveaux arrivants ou les publics plus diversifiés sont peu visibles, peu invités, peu représentés. « … avec tous » imposerait une révision de la matrice de promotion et de communication.
Quant aux écoles, un partenariat fort avec les acteurs culturels reste à inventer. Les activités périscolaires, autrefois gratuites, sont devenues payantes. Les festivals populaires, comme les « Jeudis de la chanson » où les courses en caisses à savon, ont disparu. Peu à peu, ce qui faisait lien « pour tous et avec tous » s’est éteint.
Repenser la culture comme bien commun
Villeneuve lez Avignon est riche de ses lieux, de son histoire et de son patrimoine. Mais une politique culturelle ne peut se résumer à la mise en valeur de ce capital. Elle doit aussi – et surtout – créer du lien, refléter la diversité des habitants, encourager la participation de chacun, et donner à tous les moyens d’être acteur.
Ce que nous appelons, c’est une culture vivante, ouverte, inventive. Une culture qui n’exclut pas, ne trie pas, ne filtre pas, qui n’inspire pas la crainte d’être mis de côté pour raisons politiques. Une culture qui donne envie, qui rassemble au lieu de segmenter, qui parle autant aux enfants des écoles qu’aux nouveaux arrivants, aux familles modestes qu’aux passionnés d’art classique.
Le « pour tous et avec tous » n’existe pas aujourd’hui à Villeneuve mais ce n’est pas irréversible. Jean Vilar l’a fait; nous pouvons le refaire. Si le « pour tous et avec tous » doit devenir un slogan, l’effort à faire est somme toute assez simple : il n’y a qu’à ouvrir davantage les portes, mieux répartir les moyens, écouter la pluralité des envies et des initiatives. Peut-être faudra-t-il revenir à l’essence même de ce que signifie une culture locale : un espace de partage, d’émancipation, de rencontre.
Villeneuve a tout pour cela. Encore faut-il le vouloir. Ensemble.