Les PFAS, ces “polluants éternels” désormais dans notre eau
Les PFAS (per- et polyfluoroalkylées) forment une famille de plusieurs milliers de composés chimiques utilisés depuis les années 1950 : textiles imperméables, revêtements anti-adhésifs, mousses anti-incendie, emballages alimentaires…
Leur point commun : ils ne se dégradent pas. D’où leur surnom de polluants éternels.
En 2025, la directive européenne transposée en France fixe une limite de qualité de 0,1 µg/L (100 ng/L) pour la somme de 20 PFAS dans l’eau potable.
Selon une enquête menée par Le Monde et l’Anses, il s’avère que la zone d’Avignon et de Villeneuve-lès-Avignon est classée en dépassement de la limite de qualité.
Gestion et qualité de l’eau: la vigileance s’impose.
Sur le territoire du Grand Avignon, la gestion de l’eau potable a été confiée par délégation de service public (DSP) à la société privée Eau du Grand Avignon (filiale de Suez) depuis 2019.
Mais depuis plus d’une décennie, le « Collectif de l’eau – Usagers du Grand Avignon » s’est imposé comme un acteur citoyen incontournable pour alerter sur un manque de contrôle des élus vis à vis des sociétés fermières, manque de contrôle ayant mené à des écarts préjudiciables pour la collectivité et pour les usagers. Pour mémoires, la pugnacité de ce collectif a permis d’obtenir des résultats tangibles pour l’intérêt collectif:
- L’affaire des compteurs d’eau : grâce à son insistance, le collectif a permis d’éviter le versement de 1,5 million € à Veolia, en démontrant que les compteurs appartenaient à la collectivité et non à l’opérateur privé. (Le Dauphiné Libéré, 28 déc. 2020) ce qui a permis une économie directe pour le contribuable.
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Les branchements au plomb : une mobilisation a contribué à accélérer le programme de remplacement des raccords anciens, comme l’a reconnu la mairie d’Avignon dans son rapport de qualité de l’eau (février 2022).
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La transparence tarifaire : une campagne a exigé la réalisation de relevés réels des compteurs lors du changement de délégataire, évitant des factures estimées injustes.
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La reconnaissance de dysfonctionnements : en 2023, suite aux alertes du collectif, le Grand Avignon a admis officiellement que plusieurs objectifs du contrat n’étaient pas atteints.
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Le débat public sur la performance du réseau : les campagnes d’information du collectif ont mis à l’agenda politique les questions de rendement, de fuites, et de tarification du mètre cube.
Ces rappels d’engagements montrent qu’une action citoyenne structurée peut corriger les dérives d’une délégation mal pilotée tout en ramenant la gestion de l’eau au cœur du débat public.
Dans le cas des PFAS, qui nous occupe ici, l’expérience locale le confirme : la question de l’eau ne relève pas uniquement de la technique ou de l’exploitation industrielle.
C’est avant tout une question de gouvernance, de transparence et de responsabilité publique — autrement dit, de choix politiques assumés au service des habitants.
Ce n’est pas la compétence des sociétés fermières qui est en cause, mais le manque de contrôle des élus.
Il est important de le rappeler : les sociétés fermières disposent d’un savoir-faire technique indéniable. Leur expertise en matière d’exploitation, d’entretien des réseaux ou d’analyse sanitaire n’est pas remise en cause ici.
Ce qui l’est, en revanche, c’est l’incapacité persistante des élus à exercer un contrôle exigeant et continu sur ces opérateurs. Les DSP ont été reconduites sans évaluation publique rigoureuse, les rapports d’activité sont peu débattus, les indicateurs de performance rarement vérifiés, et la communication avec les habitants quasiment inexistante.
Résultat : lorsque surviennent des enjeux nouveaux – comme les PFAS – la collectivité découvre la pollution en même temps que les citoyens, au lieu d’en être informée en amont par son délégataire. Ce décrochage du contrôle public crée un vide politique qu’un colletif tente, bénévolement, de combler.
Dans un État moderne, ce rôle ne devrait pas reposer sur des citoyens bénévoles : il relève des élus. Le débat doit s’ouvrir.
PFAS : nouveau révélateur d’un modèle de gestion à revoir
L’affaire des PFAS agit comme un révélateur : elle expose les failles d’un système où la responsabilité est diluée entre acteurs publics et privés.
Les citoyens apprennent les dépassements dans la presse ; les élus invoquent la complexité juridique ; les opérateurs temporisent.
Pendant ce temps, les traitements nécessaires (charbon actif, résines, changement de captage) attendent des arbitrages budgétaires. Ce modèle est inadapté à l’urgence des exigences sanitaires contemporaines.
La délégation n’est pas un problème en soi ; l’absence de pilotage politique en est un.
PFAS : une nouvelle alerte qui invite à rouvrir le débat sur le retour en régie publique
Face aux contats évoqués, il faut prendre le temps de réouvrir le débat sur un retour en régie publique directe. Ce choix, déjà opéré avec succès à Grenoble, Paris, Montpellier, Nice, Bordeau, Castres… repose sur trois principes simples :
- Transparence totale : toutes les données, tous les coûts, tous les investissements sont publics.
- Responsabilité unique : la collectivité assume directement la qualité de l’eau et la gestion du réseau.
- Réactivité et confiance : les décisions se prennent localement, au service des habitants, non des actionnaires.
La régie publique permet aussi d’intégrer la question de l’eau dans une politique environnementale cohérente : protection des captages, sobriété, lutte contre les pollutions émergentes, gestion durable du Rhône et de ses nappes.
À Avignon comme à Villeneuve-lès-Avignon, la qualité de l’eau révèle bien plus qu’un enjeu technique : elle reflète notre rapport à la responsabilité publique.
Les sociétés fermières font leur métier. Mais si le contrôle politique est absent, c’est toute la chaîne de confiance qui se rompt.
Le temps à venir des élections est une accasion pour un changement de cap sur ce sujet précis: un retour en régie pour mettre un terme aux pratiques actuelles et reprendre le contrôle d’un service public qui engage les finances mais aussi, et sans doute avant tout, la santé de toutes et tous. L’eau n’appartient à personne — et concerne tout le monde.
