La Liaison Est-Ouest (LEO) revient dans le débat public à l’approche des élections, souvent accompagnée de déclarations simplistes accusant l’État d’avoir “abandonné” le projet où rejetant le fardeau de l’échec aux uniques exigences de la ville centre. Mais l’histoire est bien plus nuancée — et les responsabilités locales ne peuvent être effacées d’un revers de main.
Il est temps de remettre les faits au centre.
Une longue histoire faite de divisions locales plus que de blocages nationaux
Conçue dans les années 1990 pour relier l’A7 à l’A9 et détourner le trafic qui nous asphyxie, la LEO était un projet structurant pour tout le territoire. Pendant plus de vingt ans, les majorités du Grand Avignon — auxquelles l’exécutif villeneuvois appartenait pleinement — ont eu la possibilité d’aboutir à un compromis sur le tracé et le financement. Elles n’y sont jamais parvenues. Les désaccords internes entre les communes de l’agglomération, les visions contradictoires entre les rives droite et gauche du Rhône, les revirements successifs ont progressivement sapé toute crédibilité politique face à l’État. Le résultat est connu quand la LEO s’est transformée en serpent de mer, puis en champ de bataille interne.
Aujourd’hui, entendre certaintes ou certains rejeter la responsabilité sur “l’État” ou sur la seule ville centre relève d’une réécriture commode et opportune d’une histoire dont ils ont pourtant été acteurs et comptables. Ils avaient le pouvoir, ils avaient le temps, ils avaient la majorité pour avancer. Ils ne l’ont pas fait. Pourquoi ? C’est à eux qu’il faut poser la question.
Un projet désormais acté comme abandonné : dire la vérité aux habitants
Le 13 novembre dernier, le préfet de Vaucluse a mis fin à une ambiguïté entretenue depuis longtemps : la LEO, dans sa configuration historique, est abandonnée. La DREAL PACA l’a confirmé sans détour en indiquant que, même dans l’hypothèse la plus optimiste — celle de l’inversion des tranches 2 et 3 — l’échéance se situerait autour de 2040. Pour faire court, il s’agit d’un horizon qui dépasse tout mandat électoral actuel alors qu’il répond toujours à une urgence du territoire.
Continuer à faire croire que la LEO pourrait être relancée telle quelle, ou qu’elle serait sur le point d’aboutir, relève d’un discours d’illusion plus que d’une analyse sérieuse. Il faut regarder les choses en face et prendre du recul. La LEO est restée bloquée parce que les collectivités locales, quelles qu’elles soient ou eurent été, n’ont jamais parlé d’une seule voix, et l’État, lassé de naviguer entre positions contradictoires, a fini par tourner la page.
Pendant ce temps, les habitants d’Avignon, de Villeneuve, de Châteaurenard et de tout le bassin de vie continuent de subir un flux continu de poids lourds, des nuisances sonores, une pollution persistante et un risque sanitaire avéré. Le véritable enjeu est là, et persister à brandir la LEO comme un mirage électoral occulte la seule question qui importe, celle de comment protéger les habitants maintenant, avec des solutions réalistes, financées et compatibles avec les exigences environnementales actuelles ?
La LEO doit être faite. Mais pour y parvenir, nous devons tirer les leçons du passé et éviter le piège des prés carrés et des intérêts étroits. C’est en misant sur l’intelligence collective — celle qui naît du travail, de la discussion et des convergences techniques et programmatiques — que nous pourrons bâtir une solution conforme avec nos intérêts communs tout comme avec la loi qui impose des règles pour préserver notre santé et nos environnements.
Les vraies priorités : la mobilité du quotidien et les solutions réalistes
Avant de ressusciter un projet devenu irréalisable, il faut répondre aux besoins des habitants du Grand Avignon dans leur ensemble. Les enjeux de mobilité dépassent les frontières communales et ne peuvent plus être abordés à travers le prisme étroit d’intérêts strictement limités. La priorité doit être d’améliorer les déplacements du quotidien sur l’ensemble du bassin de vie, en sécurisant par exemple les trajets à vélo, en intégrant des pistes continues dans chaque aménagement de voirie, et en modernisant l’offre de transports en commun pour qu’elle soit plus rapide, plus lisible et mieux connectée aux pôles d’activité. À l’échelle locale, Villeneuve doit évidemment jouer pleinement sa part, en mettant, par exemple, en place des liaisons transversales évitant les tours et les détours ou en projetant les logistiques indispensables à la réouverture de sa gare.
Mais pour traiter réellement le transit lourd et réduire les nuisances qui frappent Avignon, Châteaurenard et les environnement, il faut agir à une échelle plus large : terminer la T1 autour de Rognonas, boucler la liaison A7–A9 pour offrir une alternative aux poids lourds, et étudier avec sérieux une nouvelle tranche 2 associée à un nouveau pont au nord des Bouches-du-Rhône. Ce sont ces infrastructures, pensées au bénéfice du territoire dans son ensemble, qui auront les effets les plus significatifs. Elles ne pourront toutefois voir le jour que dans un cadre exigeant : un projet concerté, respectueux de l’environnement et surtout co-construit avec toutes les collectivités concernées — la Région Occitanie, le Département du Gard, les communes voisines — sans jamais retomber , nous le répétons, dans l’erreur passée de visions locales imposées au détriment de l’intérêt général. C’est uniquement à ce niveau de coopération et de cohérence que pourra émerger une stratégie de mobilité, utile, réaliste et durable. Est-ce que faire cela est simple? Non, mais l’enjeu nous oblige.
Impulser une dynamique collective, seule voie possible pour rouvrir le dossier.
Si la LEO n’a jamais abouti, c’est parce qu’aucune majorité n’a su créer les conditions d’un effort collectif. Les communes ont avancé chacune avec leurs priorités, leurs inquiétudes, leurs intérêts propres, sans jamais parvenir à construire la vision commune indispensable à un projet d’une telle ampleur.
Nous devons tirer cette leçon essentielle : aucune collectivité, aucune commune, aucun élu ne fera avancer seul la LEO. La seule voie réaliste, honnête et efficace est celle d’une mobilisation partagée, d’un travail interterritorial assumé et d’une coopération ferme entre Avignon, Villeneuve, Les Angles, Rochefort, le Gard, le Vaucluse, la Région PACA et la Région Occitanie. C’est à cette condition que ce dossier pourra être rouvert dans de bonnes conditions et représenté à l’Etat.
Notre rôle sera précisément d’impulser cette dynamique, de remettre tout le monde autour de la table, de rétablir la confiance là où elle s’est effritée, d’insister — avec constance et méthode — sur la nécessité de converger. Nous ne promettons pas la LEO du passé, mais le travail sérieux du présent : établir un diagnostic partagé, clarifier les impacts environnementaux, objectiver les besoins de transit, sécuriser les financements réalistes, et rechercher les convergences techniques et programmatiques qui permettront enfin de sortir des postures. Notre engagement est de créer les conditions qui ont manqué à ceux qui nous ont précédés : un pilotage clair, un dialogue continu, une coopération sincère et un intérêt général placé au-dessus des agendas locaux.
Nous ne réussirons pas seuls — et nous ne prétendons pas le faire. Mais nous serons là pour mettre en mouvement, pour tenir la barre, pour insister jusqu’à obtenir une coalition territoriale solide, capable de porter ce projet avec sérieux et stabilité. C’est ainsi, et seulement ainsi, que la LEO pourra redevenir un projet possible, crédible et utile pour l’ensemble du bassin de vie.









